Le IVe colloque international de généalogie à Paris   

 

par Pierre Le Clercq 

 

   

Après les villes de Moscou en 1999, Saint-Marin en 2001 puis La Haye en 2003, c’était cette année au tour de Paris d’accueillir tous les participants au IVe colloque international de généalogie, organisé par l’Académie internationale de généalogie (présidée par monsieur Michel Teillard d’Eyry), ceci sous le patronage du ministre de la culture. Le grand maître d’œuvre de cette manifestation était monsieur Jean Morichon, ancien président de la Fédération française de généalogie, qui avait déjà préparé dans le passé un congrès national de généalogie à Bourges puis un congrès international des sciences généalogique et héraldique à Besançon.

       L’Académie internationale de généalogie est une institution nouvelle. Fondée pour faire contrepoids à la vénérable Académie internationale d’héraldique au sein de la Confédération internationale de généalogie et d’héraldique, elle est symbolisée par un arbre généalogique planté sur le pôle nord du globe terrestre, dont les branches soutiennent un écriteau présentant en gros caractères les lettres AIG. C’est sous ce sigle nouveau qu’a eu lieu le quatrième colloque international, ceci du lundi 10 au vendredi 14 octobre 2005 dans la grande salle des fêtes de la mairie du 4e arrondissement de Paris. Le thème général de la rencontre était « Généalogie et Nouveau Monde ». La plupart des conférenciers venus disserter sur le sujet arrivaient de Russie, du Canada, de France et des Etats-Unis, et les exposés ont eu lieu essentiellement en anglais et en français.

 

Lundi 10 Octobre 2005 :  

       Je n’ai malheureusement pas pu assister à la première journée du colloque, étant retenu par des obligations professionnelles. En début d’après-midi, messieurs Marcel Fournier et Jean Morichon ont toutefois inauguré la série des conférences par un exposé sur les origines familiales des pionniers du Québec ancien, suivi d’une autre allocution, de monsieur Jacques Mathieu, portant quant à elle sur diverses trajectoires individuelles et familiales en Nouvelle-France. Messieurs Didier Poton et Bertrand van Ruymbeke ont ensuite présenté leurs travaux sur les huguenots aux Amériques, puis monsieur Pier Felice degli Uberti a traité, en italien, d’un sujet original portant sur les généalogies imaginaires des familles indigènes du Nouveau Monde. Madame Nathalie Sakharova et son collègue monsieur Alexandre Boukréev ont clos la toute première journée du colloque en présentant les émigrés russes aux Etats-Unis après la révolution de 1917 et leurs descendants. Je me suis consolé de n’avoir pu suivre toutes ces conférences en me disant que, de toutes manières, je pourrai lire le texte écrit de chacune d’elles dans les actes du colloque, dont la parution est prévue d’ici un an. Toute personne qui serait intéressée par ces actes, diffusés au prix de 50 euros, peuvent s’adresser dès à présent à monsieur Jean Morichon : 

 

Secrétariat du IVe colloque international de généalogie

37 allée Auguste-Rodin

F-18000 Bourges.

Fax : 02.48.21.04.83

 

Mardi 11 Octobre 2005 :

       Cette deuxième journée du colloque a commencé par une allocution de madame Alla Krasko sur les familles aristocratiques russes en exil dans le Nouveau Monde. Cette présentation, prononcée en anglais, a montré que de nombreux descendants de princes russes vivent actuellement au Canada ou aux Etats-Unis. Les princes Galitsine et Gagarine, par exemple, ont vu leurs postérités respectives se réfugier de l’autre côté de l’Atlantique. Il en va de même des comtes Chérémétiev, dont deux branches séparées sont devenues américaines. Dans un deuxième exposé prononcé en anglais, monsieur Boris Morozov a enchaîné sur un sujet similaire, préparé en collaboration avec un citoyen américain nommé Martin Russel, pour évoquer non plus la haute aristocratie russe en exil, déjà présentée par madame Alla Krasko, mais les familles de boyards moscovites siégeant à la douma au XVIIe siècle et leurs descendants vivant en Amérique aujourd’hui. Là encore, il est apparu clairement que la révolution russe de 1917 a poussé les privilégiés de l’Ancien Régime à fuir à l’étranger, tous les pays d’accueil en Europe n’étant le plus souvent qu’une simple étape sur le chemin des Etats-Unis ou du Canada.

       La matinée s’est poursuivie par une conférence attendue de madame Myriam Provence, à qui monsieur Jean Morichon avait demandé de décrire en détail les archives de l’Enregistrement, qu’elle connaît fort bien pour les consulter souvent. La conférencière a passé en revue, entre autres outils de recherches, les tables alphabétiques des vendeurs et acquéreurs, celles des contrats de mariage, des testaments, et surtout les tables des successions et absences permettant de retrouver la trace de personnes éloignées. Dans les actes du colloque, qui paraîtront d’ici un an, la conférencière donnera des exemples concrets concernant des habitants du Nouveau Monde, retrouvés grâce aux divers registres tenus par les bureaux français de l’Enregistrement.

       Monsieur Marcel Fournier, président depuis juin 1999 de la Société généalogique canadienne-française, de Montréal, a ensuite pris la parole pour évoquer cinq siècles de présence bretonne en Amérique française, ceci de 1504 à 2004. Sur les 11 275 Français qui se sont mariés au Canada de 1604 à 1765, il y en avait en effet 553 qui venaient de Bretagne, l’effectif total des Bretons, célibataires inclus, s’élevant à 2 380 individus pendant la courte période de 161 ans précédant la conquête du Canada français par les Anglais. En fin d’exposé, le conférencier a présenté un gros ouvrage de quelque 511 pages qu’il vient de sortir sur le sujet, intitulé Les Bretons en Amérique française (1504-2004), publié à Rennes par les éditions Les Portes du Large (35 euros).

       La matinée s’est terminée par une conférence de mademoiselle Marielle Bourgeois, née à Montréal et vivant en Californie, qui a parlé de l’Acadie, première colonie française en Amérique, décrivant aux congressistes la vie et les expériences des Français en Acadie au XVIIe siècle, et les conséquences de la déportation des Acadiens en 1755. Fondée dès 1604, soit quatre ans avant la ville de Québec, la colonie française d’Acadie a accueilli surtout des ressortissants de Touraine et du Poitou. En 1755, quelque 16 000 Acadiens ont été déportés par les Anglais, et les 8 000 d’entre eux qui ont survécu aux mauvaises conditions de la déportation ont été dispersés aux Antilles et sur les côtes des colonies nord-américaines, voire aux Malouines, certains ayant même été gardés à fond de cale pendant sept ans dans divers ports de l’Angleterre. En 1763, les Acadiens enfermés dans les ports anglais ont été transférés en France, le roi d’Espagne recrutant ensuite 1 726 d’entre eux, en 1785, pour les implanter en Louisiane où ils sont devenus Cajuns. Les autres Acadiens, entre temps, avaient déjà quitté pour la plupart les Antilles et les côtes nord-américaines pour aller s’établir au Québec, retournant parfois en Acadie en dépit de la présence des Anglais qui avaient pris leurs terres. La conférencière a précisé que son premier ancêtre, Jacques Bourgeois, mari de Jeanne Trahan, était le tout premier chirurgien à s’installer en Acadie.

       Après le déjeuner, pris en commun au fond de la salle des fêtes de la mairie, l’après-midi a commencé par une communication en français de monsieur Stanislas Doumine, portant sur les Romanov et leur descendance morganatique au Nouveau Monde. Les membres de la dynastie impériale russe qui ont pu s’échapper à l’étranger lors de la révolution dite d’Octobre, en effet, ont fini par trouver asile au Canada et aux Etats-Unis, eux ou leur proche descendance. Tous ces Romanov réfugiés en Amérique du Nord ont contracté divers mariages avec des roturières, interdisant à la postérité légitime issue de ces mésalliances de prétendre un jour au trône impérial de Russie. La plupart de ces descendants sans titre, d’ailleurs, ne parlent plus la langue russe.

       Monsieur Jean Cantacuzène, issu d’une famille impériale ayant régné sur Constantinople au XIVe siècle, a ensuite pris le micro pour évoquer les Cantacuzène des Etats-Unis arrivés via la Sibérie et le Japon. Il a indiqué que la prise de Constantinople par l’empereur turc Mehmet II, le 29 mai 1453, avait poussé les Cantacuzène à se réfugier en Roumanie, d’où une branche est partie s’établir en Russie en 1711. Au XIXe siècle, un membre de la branche russe a épousé à Newport, aux Etats-Unis, la petite-fille Julia du célèbre général Grant, qui était née à la Maison Blanche à Washington. Le couple a vécu en Russie jusqu’à la révolution d’Octobre, contraignant Julia Grant à envoyer ses enfants aux Etats-Unis à travers la Sibérie, en passant par le Japon.

       Deux conférenciers russes ont alors pris la relève, en anglais. Le premier, monsieur Igor Sakharov, a parlé de la Société historique et généalogique russe d’Amérique, fondée aux Etats-Unis après la révolution d’Octobre par des réfugiés politiques russes, désireux de perpétuer à l’étranger tous leurs travaux sur l’histoire des familles de leur pays, désormais interdits en Russie. Mademoiselle Julia Poliansky a ensuite présenté une étude effectuée avec Anna Patrakova et Svetlana Boukréeva, relatant la vie de trois généalogistes russes en Amérique : Léonide Saviolov (1868-1947), Nicolas Plechko (1886-1959) et Nicolas Mazaraki (1905-1965).

     La journée s’est terminée par deux dernières allocutions. Madame Elisabeth Gallat-Morin a abordé un sujet original en traitant de la généalogie comme outil pour découvrir la pratique musicale en Nouvelle-France. Elle a indiqué que ses recherches lui ont permis de découvrir des musiciens jusque lors inconnus au Québec, ainsi que des maîtres de danse, et de reconstituer leurs milieux familiaux respectifs. Parmi les pionniers de la musique au Canada, elle a nommé Jean-Baptiste Tardif, qui gagnait aussi sa vie en fabriquant de la bière, et l’organiste Jean Girard, natif de Bourges, qui a laissé un manuscrit connu sous le nom de Livre d’orgue de Montréal (une rue lui a été dédiée récemment dans sa ville natale, à la requête de monsieur Jean Morichon). Puis madame Anne-Marie de Cockborne a clos la deuxième journée du colloque de Paris en évoquant les Vaudois du Lubéron autorisés à entrer, forcés de sortir. Les Vaudois, en effet, venus du versant italien des Alpes et adeptes de la secte religieuse fondée en 1170 par Pierre Valdès, s’étaient installés dans les montagnes du Lubéron, coincées entre la Durance au sud et le Calavon au nord. En 1532, rejetés par l’Eglise catholique de Rome, ils ont adhéré massivement à la réforme calviniste de Genève, subissant le 16 avril 1545 une forte répression au cours de laquelle 3 000 d’entre eux ont été tués et 700 autres envoyés aux galères. Une partie des Vaudois a dû alors fuir le Lubéron pour aller trouver refuge à Genève. Ceux qui ont pu rester chez eux, entre Durance et Calavon, ont été contraints toutefois d’abjurer le calvinisme du 20 au 22 octobre 1685, dans la foulée de la révocation de l’édit de Nantes, ou d’aller se joindre aux quelque 300 000 huguenots qui ont préféré quitter la France à jamais, renforçant ainsi l’ensemble des principautés protestantes de l’Allemagne qui avaient été dépeuplées pendant la guerre de Trente Ans. Après cette grosse vague d’émigration religieuse, les Vaudois du Lubéron ont connu une seconde vague d’émigration au XIXe siècle, cette fois pour des raisons économiques : ils sont allés coloniser l’Algérie en grand nombre, ou bien partis s’installer de l’autre côté de l’Atlantique, en Uruguay ou aux Etats-Unis.

       À 18h30, une heure après la fin des conférences, une partie des participants au IVe colloque international a été reçue à la résidence à Paris de monsieur Clément Duhaime, délégué général du Québec en France, ceci pour fêter le lancement officiel du livre de monsieur Marcel Fournier intitulé Les Bretons en Amérique française. Je n’ai pas manqué de répondre à l’invitation qu’on m’avait adressée, l’auteur de l’ouvrage ayant tenu à remercier tous ceux qui, comme moi, avaient collaboré activement dans le passé à la recherche en France des ancêtres des Québécois. J’ai pu ainsi boire à la mémoire du pionnier icaunais Germain Lepage, parti d’Ouanne au milieu du XVIIe siècle pour aller fonder dans la basse vallée du Saint-Laurent, au Canada, la ville de Rimouski.

 

Mercredi 12 Ocobre 2005 :

       La troisième journée du IVe colloque international de généalogie a débuté par une conférence en français de madame Michèle Champagne, qui a retracé la vie de son ancêtre Charles Aurillon dit Champagne, soldat maçon en Acadie. Baptisé le 22 avril 1666 en l’église Saint-Thomas, à La Flèche dans la Sarthe, cet homme est parti en 1697 pour le Nouveau Monde, ceci comme simple soldat maçon au sein des compagnies franches de la Marine. Son surnom militaire de Champagne lui avait été donné en raison de sa région natale, la Champagne du Maine. En Acadie, il a été employé à la construction du fort de Naxouat, dès 1697, puis du fort de Port-Royal en 1704. Marié en 1704 à Port-Royal avec une Basque nommée Marie-Anne Bastaraché, qui lui donnera neuf enfants, il a participé à six batailles puis à la capitulation de Port-Royal le 12 octobre 1710, faisant serment d’allégeance en 1730 à l’Angleterre. Il est l’ancêtre de nombreuses personnes vivant actuellement en Amérique du Nord.

       Madame Marie-Eve Harton a enchaîné en parlant des travaux démographiques auxquels elle collabore en ce moment à l’université de Laval, au Canada. Cet exposé m’a d’autant plus intéressé que le chef de projet de ces travaux est le professeur Richard Marcoux, dont l’ancêtre Pierre Marcoux, établi en Nouvelle-France dès 1652 comme simple maçon, était né en 1631 à Cry-sur-Armançon, dans l’Yonne. La conférencière, dont le propos du jour était de montrer l’exploitation des données des recensements canadiens et la mise en valeur de la diversité culturelle du Nouveau Monde, a pris comme exemple la ville de Québec de 1851 à 1901, après le déplacement de la capitale du Canada à Ottawa. Le départ de l’administration centrale et de la garnison britannique a entraîné une francisation progressive des habitants de la ville, redevenus majoritairement francophones et catholiques au tout début du XXe siècle : en effet, tandis que le groupe des franco-catholiques s’accroissait de plus en plus en ville, les trois autres groupes, composés des irlando-catholiques, des irlando-protestants et des anglo-protestants, tous anglophones, ne cessaient de décroître au fil du temps ; il y avait de moins en moins de personnes appelées Murphy, Smith, Kelly, Doyle et Kennedy et de plus en plus de Côté, Bédard, Cagnon, Tremblay et Vézina. Les données des recensements canadiens de 1861, 1871 et 1901 sont à présent disponibles sur CD-Rom. Il est aussi possible de consulter le site www.phsvq.cieq.ulaval.ca, pour avoir accès aux quelque 500.000 personnes saisies et numérisées à partir des différents recensements canadiens réalisés de 1851 à 1901.

       Est ensuite intervenu monsieur Bertrand Desjardins, qui descend en ligne masculine d’un tonnelier icaunais s’appelant Antoine Roy dit Desjardins, baptisé le 23 mars 1635 en l’église Saint-Jean à Joigny, dans l’Yonne, et parti pour la Nouvelle-France en 1665 dans le régiment de Carignan-Salières pour combattre les Iroquois, alliés des Anglais d’Amérique. Le conférencier, responsable à l’université de Montréal du programme de recherches en démographie historique, a parlé, chiffres à l’appui, de la descendance différentielle des immigrants venus au Canada sous le régime français. Sur les 12 249 Canadiens relevés de 1608 à 1760, on dénombre jusqu’à 77,2 % de Français, originaires surtout de Normandie, d’Île-de-France, de l’Aunis et du Poitou, 14,6 % d’Acadiens qui avaient fui les Anglais, 3,8 % de ressortissants des îles britanniques, 1,9 % d’autres Européens, 1,1 % d’Indiens s’étant intégrés aux colons par mariage, 0,4 % d’Africains ayant pu se marier eux aussi dans une église et 1,1 % de gens indéterminés. Sur les 12 249 Canadiens constituant la population fondatrice du Canada de 1608 à 1760, seuls 8 570 ont eu des enfants, dont 6 719 Français et 55 Indiens ou Africains sur 175. La disparition des noms de famille au Canada a été de grande ampleur sous le régime français, puisque 47,2 % des 12 249 colons canadiens du corpus n’ont pas eu le moindre fils marié. Ceci explique que 95 % des Québécois nés avant 1800 ne portaient que 1 400 noms de famille différents. Le conférencier a aussi souligné que ce sont les premiers colons qui ont le plus contribué à la formation du patrimoine génétique du Québec : ce patrimoine particulier repose à 68 % sur les colons de 1608 à 1679, à 14 % sur ceux de 1680 à 1699, puis à 6 % sur ceux de 1700 à 1729, à 8 % sur ceux de 1730 à 1759, et enfin à seulement 4 % sur tous ceux de 1760 à 1949. Toutes les données de base ayant servi à ces statistiques peuvent être consultées sur le site canadien www.genealogie.umontreal.ca.

       La matinée s’est terminée par une communication de Pierre-Valéry Archassal, consacrée à la généalogie par Internet et aux vices et vertus des nouvelles technologies en la matière. Si Internet ne s’est développé en France qu’à partir de 1996, avec un certain retard par rapport à d’autres pays avancés à cause des derniers soubresauts de la technique désuète du Minitel, les internautes se sont vite multipliés dans l’Hexagone depuis lors puisqu’on en dénombrait déjà 11 millions au début de l’an 2001 et 25 millions à l’été 2005. Internet a permis d’attirer à la généalogie un grand nombre de personnes depuis l’an 2001 : celles-ci représentent déjà 50 % des généalogistes actuels, le pourcentage des gens ayant commencé leur généalogie avant 1996 ne représentant plus que 32 % des chasseurs d’ancêtres. La plupart des néo-généalogistes, venus à la généalogie par le biais d’Internet uniquement, sont toutefois beaucoup plus habiles à pianoter sur leur clavier d’ordinateur qu’à s’assurer de la fiabilité et de la pertinence des données découvertes sur la Toile, répétant les erreurs d’autrui sans jamais citer leurs sources et encombrant trop souvent de leurs bavardages inutiles les forums généalogiques mis à leur disposition. Internet a certes permis d’accéder rapidement à un grand nombre de sites divers dans le monde entier, mais il a fait perdre à beaucoup d’internautes la notion de patience qui sied à tout généalogiste expérimenté.

       Après le déjeuner, l’après-midi a commencé par un exposé de madame Ghislaine Le Mauff, qui a raconté à l’assistance comment elle avait pu aider une Américaine prénommée Mary, abandonnée peu après sa naissance et adoptée en 1960 aux Etats-Unis, à retrouver sa mère naturelle en France, le 5 avril 2002, un an avant la mort de celle-ci. Le lien ainsi rétabli entre une mère et sa fille adoptée dans le Nouveau Monde illustre bien, selon la conférencière, qu’au-delà des frontières la généalogie permet aussi de reconstituer de l’amour.

       Mademoiselle Marielle Bourgeois, qui avait déjà parlé la veille des Acadiens, a repris ensuite le micro pour expliquer pourquoi il lui avait fallu vingt-sept ans de recherches pour retrouver en France la trace de son ancêtre Jean Vigeant dit Taupier ou La Rose, envoyé au Canada comme soldat. Elle a fini par découvrir qu’il n’était pas fils de François Vigeant et de Jeanne Bazin, comme il l’avait déclaré, mais le quatrième enfant, né en 1672, d’un protestant nommé Josias Vigen, seigneur de Villedont, procureur fiscal et notaire, et de son épouse Anne Bazin, fille d’Hélie Bazin. Pour ne point dévoiler son origine protestante, dans une colonie réservée aux catholiques, le jeune soldat établi au Québec avait jugé préférable de modifier le prénom trop marqué de son père.

       La troisième journée du colloque s’est terminée par une conférence de Bernadette Rossignol, portant sur les particularités de la recherche généalogique dans la Caraïbe. La colonisation française des Antilles a commencé en 1625, les îles de la Guadeloupe et de la Martinique étant occupées par les Français dès 1635. Deux ouvrages publiés en 1667 et 1742 permettent de connaître les détails de cette colonisation. En juin 1776, le roi Louis XVI a ordonné la conservation des archives publiques des colonies à Versailles, afin de préserver des intempéries et des aléas de la guerre tous les documents coloniaux établis par l’administration royale. Des recensements ont été effectués aux Antilles, afin de connaître le nom des hommes en état de porter les armes pour la défense des îles. Les archives coloniales n’étaient constituées que pour encadrer et administrer les hommes libres ou affranchis. Les esclaves d’origine africaine ne sont entrés dans le domaine public qu’à l’occasion de l’abolition en 1815 et 1848 de l’esclavage par les autorités françaises. Les nouveaux affranchis ont alors été identifiés par l’attribution massive et rapide de noms de famille, venant enrichir le patrimoine onomastique antillais.

       À l’issue de cette dernière communication, les participants au colloque ont été invités à visiter ensemble le centre historique des Archives nationales, à l’hôtel de Soubise. Un adjoint à la direction nous a entraînés dans le dédale des longs couloirs du dépôt, le clou de la visite étant l’armoire de fer, ouverte les mains gantées par trois clefs successives, où sont conservés les documents les plus précieux du pays. Nous avons pu voir ainsi, sortis de leurs écrins, l’exemplaire original de la constitution de 1958, le mètre étalon et le kilo étalon, le célèbre journal intime de Louis XVI dans lequel il avait écrit « rien » à la date du 14 juillet 1789, le testament que Louis XIV a rédigé de sa main le 2 août 1714 à Marly-le-Roi, et un parchemin daté de novembre 1246 par lequel l’empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen autorisait le roi Saint Louis à faire escale en Sicile lors de sa prochaine croisade en Terre sainte, l’assurant de pouvoir se ravitailler à bon prix auprès des Siciliens.

 

Vendredi 14 Octobre 2005 :

       Aucune conférence n’ayant été prévue pour le jeudi 13 octobre 2005, cette journée étant consacrée à visiter le château de Versailles et les Archives départementales des Yvelines, ce n’est que le lendemain de cette courte pause touristique qu’ont repris les travaux du colloque. La matinée a débuté par une communication de madame Jeannine Ouellet, portant sur les Français qui se sont installés au Bas-Saint-Laurent avant 1700. C’est le 10 août 1535 que l’explorateur Jacques Cartier a donné le nom de Saint-Laurent au long fleuve qu’il venait de découvrir au Canada. De 1580 à 1637, les Basques ont fréquenté régulièrement l’estuaire du fleuve, attirés par les aires de pêche mais aussi par le commerce de la fourrure, ouvrant en 1599 un comptoir permanent dans la région. Après la fondation de la ville de Québec, en 1608, jusqu’à 53 seigneuries ont été créées de 1623 à 1653 par les colons français sur les deux rives du fleuve. La vaste région du Bas-Saint-Laurent a ensuite été colonisée à son tour, de La Pocatière au sud-ouest à Matane au nord-est, ceci malgré la guerre qui a opposé les Français aux Anglais en Amérique du Nord de 1689 à 1697. Sur les 72 seigneuries qui ont été créées dans le Bas-Saint-Laurent, deux ont été fondées par des natifs de l’Yonne : Nicolas Huot dit Saint-Laurent, baptisé le 3 octobre 1631 à Auxerre sur les fonts de l’église Saint-Loup, et René Lepage dit Sainte-Claire, baptisé le 10 avril 1656 à Ouanne, fondateur en 1696 de la ville canadienne de Rimouski. Nicolas Huot dit Saint-Laurent a fait partie des colons français qui, en 1690, ont empêché les soldats anglais commandés par Phipps de débarquer à Rivière-Ouelle.

       Monsieur Rénald Lessard a ensuite enchaîné en abordant le sujet de la présence militaire et du peuplement de la Nouvelle-France, ceci en suivant plus particulièrement le destin des mille soldats de la recrue de 1750. Au milieu du XVIIIe siècle, les Français vivant en Amérique du Nord n’étaient que 15 000 en Acadie et 55 000 tout le long du Saint-Laurent, dont 8 000 à Québec et 4 000 à Montréal. C’était peu face au million d’Anglais résidant à la même époque dans les treize colonies nord-américaines. Pour maintenir la présence française en Amérique, il n’y avait en 1748 que 28 compagnies franches de la Marine comportant chacune une moyenne de 29 hommes, soit en tout 812 soldats permanents. Le 4 mai 1749, alerté par la pression croissante des Anglais en direction de la vallée de l’Ohio, le ministre français de la Marine a chargé une demi-douzaine d’officiers en poste au Canada de venir recruter de nouveaux soldats en métropole. Un millier d’hommes ont ainsi été engagés en 1750, ce qui représentait de loin le plus fort contingent jamais envoyé en Amérique du Nord depuis 1665, date à laquelle le roi Louis XIV avait expédié un régiment de 1 200 hommes pour combattre les Iroquois. Cinq villes ont servi de centres de recrutement en 1750 : Paris, Lyon et Grenoble, mais aussi Liège et Auxerre. Il y avait donc un certain nombre d’Icaunais parmi les recrues. Le 10 avril 1750, pour organiser la défense de ses colonies américaines, le roi Louis XV a décidé d’augmenter le nombre des compagnie franches du Canada de 28 à 30, et d’augmenter le nombre d’hommes dans chaque compagnie de 29 à 50, portant ainsi le nombre théorique de soldats réguliers en Amérique du Nord à 1 500 hommes. Sur les 1 114 soldats qui ont été recrutés en France et en Belgique en 1750, seuls 1073 sont effectivement partis au Canada, dont 55 qui sont morts en route. La plupart, représentant 70 % du contingent, étaient âgés de 16 à 25 ans. Sur place, une centaine de jeunes recrues ont convolé en justes noces avec des Canadiennes, surtout en 1752 ; ceux qui sont morts célibataires en Amérique étaient au nombre de 84, et les déserteurs avérés n’ont pas dépassé le nombre relativement faible de 22 hommes. Dans l’état présent des recherches, on ne connaît l’origine exacte que de 300 soldats sur le millier de recrues de 1750.

       La troisième conférence de la matinée a été prononcée par monsieur Florin Marinescu, qui a retracé devant l’assistance la vie itinérante d’un chirurgien roumain nommé Alexandre Démètre Moruzi, présenté comme étant un docteur de Jessy entre Venezuela et Etats-Unis. Issu d’une famille aristocratique originaire de Trébizonde en Anatolie, il était apparenté au défunt journaliste français Yves Morouzi, appartenant à une branche bâtarde de la famille. Le conférencier a montré une série de documents concernant le chirurgien expatrié.

       Mademoiselle Marielle Bourgeois, qui avait déjà fait deux communications les jours précédents, a repris la parole pour répondre à une interrogation : qui furent les premiers Européens à découvrir l’île de Manhattan ? On a coutume de dire que ce sont les Hollandais qui ont fondé la ville de New York. En fait, la Hollande a accueilli sur son sol de nombreuses minorités religieuses, qui se sont regroupées à Amsterdam, Delft et Leyde. C’est du port de Leyde que sont partis les Puritains anglais à bord du Mayflower pour aller fonder la Nouvelle-Angleterre en Amérique du Nord, en 1620. Outre les Puritains, la Hollande abritait des Anabaptistes, des Juifs et un grand nombre de Français et de Wallons calvinistes fuyant les persécutions religieuses. Le 20 mai 1624, un groupe de quelque 110 colons en provenance de Leyde a débarqué sur l’île de Manhattan dans le quartier de Battery Park. La plupart, soit 90 % de l’effectif, étaient des Wallons calvinistes, originaires surtout du Hainaut En 1625, les premiers colons de Manhattan ont été renforcés par un nouvel arrivage massif de Wallons. Le premier noyau de la population de l’île était donc francophone, et le tout premier gouverneur général de la colonie, Pierre Minuit, nommé dès 1626 pour six ans, était lui aussi un Wallon originaire du Hainaut. C’est lui qui, pour 24 dollars, a acheté l’île de Manhattan aux Indiens. D’autres colons, appartenant à d’autres minorités religieuses, sont venus ensuite s’agréger au noyau initial des Wallons francophones. Parmi eux figurait un jeune Hollandais dénommé Marten Cornelius van Rosenfelt, d’origine juive, dont la famille avait trouvé refuge en Hollande après avoir été chassée d’Espagne en 1492. C’est de lui que descendent les deux présidents Roosevelt des Etats-Unis.

       La matinée s’est terminée par une allocution de monsieur Denis Racine, qui a retracé les diverses étapes de l’émigration au Québec de 1760 à 1900, après la cession du Canada à l’Angleterre. De 1760 à 1815, les Anglais ont boudé l’ancienne colonie française, préférant grossir la population des treize colonies américaines. Ce sont donc d’autres francophones, les Acadiens, qui à partir de 1763 sont arrivés massivement au Québec, constituant la première vague d’immigration sous le régime anglais. De nos jours, 10 % des Québécois portent des noms de famille originaires d’Acadie. La deuxième vague était composée de soldats allemands démobilisés, engagés par l’Angleterre pour lutter contre les Américains insurgés : venus au nombre de 27 000 en Amérique de Nord, près de 10 000 sont restés sur place après leur démobilisation, dont certains sont allés s’installer au Québec de 1774 à 1776. Peu après, de 1776 à 1785, une troisième vague d’immigrants a contribué au peuplement du Canada. Pour abriter les 80 000 Américains restés fidèles à la couronne d’Angleterre, chassés des Etats-Unis, les Anglais leur ont attribué des terres en Acadie et ont créé pour eux la province anglophone d’Ontario. En 1815, après que la paix ait été restaurée en Europe, des soldats anglais démobilisés, ainsi que des soldats suisses et espagnols ayant servi l’Angleterre, ont été envoyés au Canada pour y développer la colonie. En 1816, ce sont 1 250 anglophones qui ont été installés en la ville de Québec. Des protestants anglais et écossais, et des catholiques irlandais, sont venus s’ajouter aux militaires démobilisés du Canada français. La plupart d’entre eux, à savoir 55 % du groupe des anglophones, vivaient dans trois villes seulement au XIXe siècle, à savoir Montréal, Sherbrooke et Québec. La population de la ville de Québec a fini par comporter jusqu’à 28 % d’anglophones. De 1815 à 1900, d’autres immigrants de l’Europe de l’Ouest sont arrivés au Canada, notamment des Français dont un tiers seulement se sont établis au Québec. À partir de 1880, le Canada a reçu sur son sol des Européens de l’Est, en particulier des Ukrainiens qui ont participé en masse à la conquête de l’Ouest canadien. Les différentes vagues d’immigration du XIXe siècle ont surtout profité à la ville de Montréal, qui a pris alors le pas sur la ville de Québec.

       Après le déjeuner, l’après-midi a débuté par une conférence de monsieur Gerard Marí i Brull, en espagnol, portant sur les racines de la famille de Sucre et sa migration en Amérique, du Hainaut à Cathagène-des-Indes. À l’issue de cette communication digestive, que la plupart des congressistes ont écouté poliment sans comprendre un mot, monsieur Michel Teillard d’Eyry a pris enfin le micro pour évoquer les filles du roi et leur contribution au peuplement de la Nouvelle-France. En 1660, plus de 50 ans après la fondation de Québec en 1608, la colonie française d’Amérique du Nord n’abritait que 2 500 colons. La faute en incombait surtout au cardinal de Mazarin qui, jusqu’à sa mort en 1661, ne voyait pas l’intérêt de développer la France d’outre-mer. Les choses ont changé avec l’arrivée au pouvoir de Jean-Baptiste Colbert, qui a convaincu le roi Louis XIV de favoriser la croissance démographique du Canada en envoyant aux colons des filles bonnes à marier, recrutées parmi les pensionnaires des hôpitaux généraux et poussées au départ par l’attribution d’une grosse dot fournie par le roi après les noces. De 1663 à 1673, ce sont 850 filles du roi qui ont ainsi été envoyées au Canada, dont 80 sont mortes au cours de la traversée de l’Atlantique. Sur les 770 qui avaient survécu, 737 ont trouvé un mari, les filles de premier choix étant toutes accaparées par des colons de la ville de Québec, celles de second choix par ceux de Trois-Rivières, les colons de Montréal devant se contenter des laiderons qui restaient. En fin de parcours, 33 filles du roi ont dû se résoudre au célibat. La vie étant meilleure à l’époque au Canada qu’en France, les filles du roi ont bénéficié d’une santé qui leur a permis de mettre au monde jusqu’à sept enfants chacune en moyenne.

       La troisième allocution de l’après-midi a été prononcée par madame Hélène Vézina, dont le propos était de présenter une étude généalogique du patrimoine génétique des Québécois. Pour évaluer le caractère héréditaire de certaines maladies, les généticiens disposent à présent au Canada d’un fichier appelé Balzac, élaboré par un historien et regroupant les généalogies ascendantes de 2 223 personnes mariées de 1945 à 1965 dans une église catholique au Québec. Dans ce corpus, on constate que 78,8 % des ancêtres masculins venus d’ailleurs étaient natifs de France, pour seulement 61,9 % des ancêtres féminins, et que 7,8 % des ancêtres masculins venus d’un autre pays étaient originaires d’Acadie, pour 22,4 % des ancêtres féminins. Il semblerait donc que les Acadiens qui ont fait souche au Québec étaient surtout des femmes et que les Français qui y sont restés étaient en grande majorité des hommes. À l’issue de cette présentation de portée démographique, j’ai tenu à exprimer ma réserve sur la pertinence d’études génétiques reposant sur un fichier généalogique constitué par un historien. En effet, si la génétique est une science exacte, centrée sur la transmission des gènes, la généalogie est une science humaine portant sur la transmission du patrimoine économique, professionnel, culturel et patronymique des gens. On ne peut ignorer qu’un arbre génétique diffère parfois de l’arbre généalogique correspondant. La différence que l’on observe est due essentiellement à l’infidélité féminine, qui se distingue de l’infidélité masculine en ceci qu’elle produit le plus souvent des enfants légitimes, attribués au mari trompé, alors que les hommes volages ne sèment que des bâtards, facilement repérables par les généalogistes et les généticiens. D’un point de vue généalogique, le roi Louis XIV est bien le fils de Louis XIII : il a hérité de son nom et de son trône. Mais qu’en est-il donc sur le plan strictement génétique ? Faut-il l’inscrire avec sa postérité dans l’arbre des Mazarin ?

       Sur ces interrogations, la parole a été donnée à madame Hélène Servant, qui a aussitôt abordé le sujet de la tenue des registres de l’état civil en Guadeloupe et des conséquences d’une histoire mouvementée. Tout comme la métropole, la Guadeloupe a bénéficié des ordonnances de 1667 et 1736 qui ont contraint les curés de veiller à la bonne tenue des registres paroissiaux, selon des règles précises. Les esclaves noirs étaient toutefois exclus de ces registres aux Antilles, à l’exception d’un seul qui contient des actes de 1720 à 1725 concernant des esclaves de Basse-Terre. Ce n’est qu’en 1764 que les actes de baptême, mariage et sépulture des Noirs ont commencé à être enregistrés à la Guadeloupe, sur des registres séparés de ceux des Blancs. En 1776, par mesure de sécurité, le roi Louis XVI a ordonné qu’un double des archives publiques des Antilles soit envoyé à Versailles. En 1794, les Anglais se sont emparés de la Guadeloupe, reprise six mois plus tard par les Français. L’esclavage a aussitôt été aboli sur l’île, mais l’insurrection des Noirs en 1801, qui s’est achevée le 28 mai 1802, a fourni un prétexte commode à Napoléon pour abroger l’abolition. En 1809, les Anglais ont occupé de nouveau la Guadeloupe. Ils ont rendu aux curés la tenue de l’état civil, que les révolutionnaires français avaient confiée aux maires. Ceux-ci n’ont retrouvé leurs prérogatives qu’en 1816, lorsque les Anglais ont restitué l’île aux Français. En 1830, il a été décidé d’enregistrer dans les mêmes registres les actes d’état civil de tous les hommes libres, qu’ils soient Noirs ou Blancs, puis, à partir de 1832, les affranchissements d’esclaves noirs ont tous été enregistrés parmi les actes de naissance, les affranchis étant considérés comme autant d’êtres humains naissant à la citoyenneté. L’abolition définitive de l’esclavage en 1848 a contraint les autorités de donner rapidement un nom de famille à l’ensemble des anciens esclaves, pour que l’état civil de la Guadeloupe soit enfin conforme à celui de la métropole.

       Monsieur Jean Morichon, organisateur du colloque, a ensuite évoqué l’émigration française en Argentine et au Brésil à la fin du XIXe siècle. Dès 1555, Nicolas de Villegagnon avait tenté de fonder une colonie française de huguenots au Brésil, mais celle-ci avait été détruite en 1560 par les Portugais. Il avait fallu attendre l’an 1663 pour que les Français reviennent s’installer en Amérique du Sud, à Cayenne. Au XIXe siècle, ils se sont tournés vers l’Argentine dont la population a doublé en trente ans, de 1880 à 1910, à cause surtout de l’immigration en provenance de l’Europe. C’est en 1889 que l’Argentine a accueilli le plus d’immigrants européens. Parmi tous les Français qui ont émigré à la fin du XIXe siècle en Amérique du Sud, notamment au Brésil et en Argentine, il y avait 96 Berrichons, répartis en 41 hommes, 18 femmes et 37 enfants des deux sexes.

       Madame Ariane Bruneton a clos la journée et toute la série des conférences en soumettant à l’assistance un projet de Maison de la mémoire de l’émigration, destinée à recueillir toutes les lettres et vieilles cartes postales envoyées à leurs familles restées en France par des Français expatriés. À ce jour, la conférencière a déjà réussi à collecter quelque 2 000 missives expédiées de l’étranger à des habitants des Basses-Pyrénées. Son intention est de rapprocher les peuples en montrant que l’émigration des Français à la fin du XIXe siècle s’est faite avec les mêmes déchirements que ceux éprouvés aujourd’hui par les immigrés venus du Tiers Monde.

       Le colloque ayant touché à sa fin, il est revenu à monsieur Michel Teillard d’Eyry, président de l’Académie internationale de généalogie, de prendre congé des participants. Il a annoncé que le Ve colloque international de généalogie aurait lieu en mai 2007 à Iasi, en Roumanie, à proximité des monastères orthodoxes de Moldavie. Le thème général des conférences sera le suivant : Généalogie et vie internationale. Un délégué du Canada en a profité pour annoncer à son tour qu’un an plus tard, du 23 au 28 juin 2008, le XXVIIIe congrès international des sciences généalogique et héraldique se tiendrait en la ville de Québec, autour d’un thème intitulé : La rencontre de deux mondes ; quête ou conquête. Ces deux rendez-vous sont déjà inscrits dans ma mémoire, les sujets traités par les conférenciers du colloque de Paris ayant fait renaître en moi un appel impérieux du large.