TURREAU de LINIÈRES Louis

° Evreux (Eure), 18 IX 1761 ; † Coni (Italie), 7 IV 1797.

- f. de Louis, qui est commissaire aux paieries réelles des bailliages d'Evreux et de Normandie.

- D'une famille sans doute originaire de Ravières, établie en Normandie depuis plusieurs générations, il devient l'un des administrateurs du département de l'Yonne en 1790. En 1791, il est élu député suppléant à la Législative, mais n'a pas l'occasion d'y siéger. Le 10 VI 1792, à une séance des Amis de la Constitution, à Auxerre, il fait un violent discours contre l'Église et les ministres du culte.

- Devenu électeur de Ravières [ADY, L 172], il recueille 363 voix aux élections législatives et se faire élire député de l'Yonne à la Convention, le 2 IX 1792 [ADY, L 173]. Républicain et montagnard, comme ses collègues icaunais Pierre Bourbotte*, Louis Michel Le Peletier* et Nicolas Maure*, il vote pour la mort du roi (17 I 1793), et contre le sursis de l'exécution de la sentence (19 I 1793). Hostile aux Girondins, il se signale à la tribune de la Convention par sa violence oratoire, notamment contre Lanjuinais. Il est aussi membre du club des Jacobins, à Paris (il en sera exclu lors d'un vote épuratoire, le 19 XII 1793).

- Le 9 III 1793, il devient l'un des 80 représentants de la Convention qui doivent se rendre au plus vite en province pour y assurer la levée en masse de 300 000 soldats de la Révolution. Avec son collègue Garnier* (de l'Aube), il va dans l'Aube puis dans l'Yonne. À Sens, les deux hommes ordonnent, le 9 IV 1793, l'arrestation et l'incarcération de tous les prêtres non fonctionnaires : 48 ecclésiastiques se voient ainsi écroués le 14 IV 1793 (la plupart d'entre eux seront relaxés le 26 V 1793). Puis, à Saint-Florentin, les deux députés en mission tiennent une assemblée à l'église des Capucins, où ils exigent que toutes les cloches soient fondues pour en faire des canons. À Tonnerre, enfin, les deux hommes apportent leur soutien à Jacques Chérest* : ils suspendent le conseil général de la commune, créent un comité de surveillance intitulé Comité révolutionnaire de salut public, calqué sur celui de Paris, et interdisent que soient élus à la municipalité les anciens nobles, prêtres ou agents des anciens seigneurs locaux.

- Le 14 VI 1793, Turreau est envoyé en mission à l'armée des côtes de La Rochelle, puis, le 19 VII 1793, à l'armée des côtes de Brest. En novembre 1793, l'armée des côtes de Brest ayant été incorporée à l'armée de l'Ouest afin de mieux combattre l'insurrection vendéenne, il poursuit sa mission au sein de cette nouvelle formation militaire, ceci avec deux autres commissaires de la Convention : Pierre Bourbotte* et Pierre Louis Prieur. Les trois hommes ont pour tâche d'aviver l'ardeur révolutionnaire des généraux républicains, placés sous leur surveillance. Ils conduisent ainsi l'armée de l'Ouest à la victoire à la bataille du Mans, le 13 XII 1793. Dès le lendemain, ils créent ensemble une commission militaire, chargée de juger et de faire exécuter rapidement tous les rebelles vendéens tombés entre leurs mains. Après la victoire de Savenay, le 23 XII 1793, cette commission prononce 288 condamnations à mort le soir même de la bataille, et 600 autres dans les jours suivants. Les survivants, en déroute, retournent en Vendée.

- Dès le 24 XII 1793, Louis Turreau écrit à son cousin le général Louis Marie Turreau, qui vient d'être nommé à la tête de l'armée de l'Ouest, pour lui ordonner de rejoindre son poste au plus vite afin de lancer aussitôt la suite des opérations militaires. Il accueille le nouveau commandant en chef le 29 XII 1793, à Nantes. Avec lui, et les députés Prieur et Bourbotte*, il dirige le corps expéditionnaire qui reprend aux Vendéens l'île de Noirmoutier, le 3 I 1794, dans un bain de sang. Les deux jours suivants, il n'hésite pas à faire exécuter ses 1500 prisonniers, sans chercher à épargner quiconque, même les vrais républicains de l'île qui périssent tous avec les insurgés vaincus.

- Victorieux, Louis Turreau quitte ensuite Noirmoutier et va s'établir à Saumur, avec les deux autres représentants de la Convention et son cousin général. Sur place, il écrit le 15 I 1794 au Comité de salut public, avec Bourbotte*, pour demander leur rappel à Paris. Il laisse le soin à son cousin, Louis Marie Turreau, de soumettre les Vendéens avec douze colonnes infernales, imaginées par celui-ci le 17 I 1794. En attendant de pouvoir regagner la capitale, il fait incendier les faubourgs de Saumur, le 8 II 1794, ceci pour défendre la ville contre le péril royaliste.

- De retour à Paris au printemps, il fréquente de nouveau les milieux politiques. Le 19 VI 1794, il est élu secrétaire de la Convention. Bien que Montagnard, il a la sagesse de se plier au coup d'Etat du 9 thermidor (27 VII 1794), qui met fin à la Terreur. Il évite ainsi la mort, contrairement à Maure* et Bourbotte*, ses deux collègues icaunais restés fidèles à Robespierre. Devenu un thermidorien de gauche, il fait voter une motion pour l'arrestation de l'accusateur public Fouquier-Tinville. Il lance également un appel aux émigrés pour qu'ils rentrent tous en France.

- En août 1794, il est envoyé en mission à Toulon par la Convention, et reste dans le Midi jusqu'en février 1795, comme représentant du peuple à l'armée des Alpes. Sous le Directoire, il perd son siège de député mais fait carrière dans l'administration militaire : il est d'abord agent chargé de l'application des lois portant sur le service militaire, et devient ensuite inspecteur général des fourrages à l'armée d'Italie. C'est dans le cadre de cet emploi qu'il décède en avril 1797, dans la localité italienne de Coni. On dit qu'il est mort du chagrin causé par la conduite fort légère de sa femme. D'autres sources prétendent qu'il a été assassiné par le mari jaloux d'une femme trop volage.          

x1 (1784) Françoise Adélaïde Minard de Velars, veuve de Jean François d'Avout (père du maréchal Davout) ; S.P.

x2 N., fille d'un chirurgien de Versailles ; S.P.

 

Pierre Le Clercq

[Daniel Ligou, Les conventionnels de l'Yonne (in Les hommes de la Révolution dans l'Yonne) ; P.M. Gaborit & Delahaye, Les 12 colonnes infernales de Turreau ; Fournier, Turreau et les colonnes infernales ; BSSY 93 (1939) XXI ; R. Moreau ; Michaut ; Hermelin ; AN (1896) ; Monceau ; CGHEN ; Tulard-Fayard-Fierro ; ALA (1887) ; Chassin, Etudes documentaires...]